04/11/2010

De Quoi Je Me Mêle?

Qu'est-ce qui peut bien motiver des citoyens 'ordinaire' à se mêler d'agriculture? Le monde agricole est fortement structuré, comme ne l'est peut-être aucun autre métier en France. Il est gouverné par un ministère spécifique, avec des antennes départementales - les Directions Départementales de l'Agriculture (DDA), - une agence d'état pour la régulation des questions du foncier (les SAFER); il existe une Chambre Syndicale par département, et les agriculteurs possèdent un puissant mouvement syndical (le NFSEA). Les différentes productions sont organisées en filières complexes pour assurer la production, la collecte, la transformation, et la distribution depuis l'agriculteur jusqu'aux consommateurs. Si on rajoute à cela les institutions de la Politique Agricole Commune (la PAC), nous sommes en présence d'une énorme machine, face à laquelle le citoyen se sent bien démuni.


Le petit groupe de citoyens Rochois qui ont pris l'initiative de lancer ce débat entre agriculteurs, citoyens/consommateurs et élus observent depuis quelques années le lent déclin de l'agriculture dans la commune: des départs à la retraite non remplacés ou remplacés par un fils en double activité, ce qui signifie que l'exploitation ne permet plus d'en vivre. Du moins les jeunes ne souhaitent pas vivre les difficultés de leurs parents. Cela entraîne la disparition progressive des élevages de vaches laitières à la faveur de la culture des céréales, et la perte en conséquence de la diversité. D'autres départs à la retraite sont en perspective dans les années qui arrivent. La crise très sévère que l'agriculture traverse depuis deux ou trois ans ne fait qu'accentuer tout cela.


Nous souhaitons tout d'abord dire aux agriculteurs que nous en sommes conscients de tout cela, et pensons que la commune perdrait son caractère rural si par malheur l'activité agricole soit réduite à une activité économique annexe ou vienne tout simplement à disparaître. Comme nous sommes attachés au caractère rural de la commune, nous sommes aussi attachés à la présence d'une activité agricole vivante, qui permet d'en vivre, et à des voisins agriculteurs qui sont heureux de faire leur métier. Nous sommes prêts et disposés à travailler avec eux sur l'avenir, sachant que rien n'est simple, que nous ne détenons pas la réponse, et que l'avenir dépend entièrement d'eux.


Pourquoi maintenant? d'abord à cause de la gravité de la crise. Et puis depuis dix, à quinze ans le citoyen consommateur s'intéresse de très près à ce qu'il mange, et à ceux qui le produisent. A travers des échanges avec des agriculteurs, les citoyens/consommateurs se sont dotés d'un certain nombre d'outils institutionnels qui leur permettent d'apporter un réel soutien au-delà des bonnes paroles. Ils se sentent 'justifiés' à apporter leur pierre à l'édifice. Nous avons déjà parlé des AMAP, je voudrais terminer cette série avec quelques mots sur le mouvement Terre de Liens.

Je dis 'mouvement', car Terre de Liens est composé d'une Association Nationale, des Associations Locales, Un GFA - La Foncière Terre de Liens, et une Fondation - Le Fonds, Terre de Liens. Un petit groupe de citoyens, agriculteurs et non agriculteurs, ont décidé à la fin des années 1990 de réagir face à la disparition des terres agricoles, soit convoitées par l'immobilier, soit recouvertes de beton ou de bitume. De même que le nombre d'agriculteurs a fondu depuis 1970, (1.200 00 à cette date, 436 000 aujourd'hui) de même les terres agricoles ont disparu: 160 hectares de terres sont recouverts chaque jour en France de béton ou de bitume, 200 fermes disparaissent chaque semaine en France. Ils ont lancé par étapes dans le temps d'abord un GFA, qui regroupe des actionnaires solidaires qui permettent l'acquisition de fermes et l'installation de paysans; et puis une fondation qui reçoit des dons d'argent ou de fermes de donateurs afin de préserver sur le long terme ce bien commun et précieux q'uest la terre. Terre de Liens, de même que le mouvement des AMAP sera représenté ce vendredi soir au débat sur l'agriculture à Roche.

Pour terminer, je voudrais citer cette phrase d'un jeune agriculteur, enregistrée pendant l'émission 'Ca vous dérange' sur France Inter le 5 août: "Lors que des gens s'intéressent à mon métier, non seulement je ne suis pas gêné, mais j'en suis ravi, car je pense que nous sommes co-responsables de ce qu'il y aura des paysans demain, et que la population mangera des produits de qualité".

Je vous donne rendez-vous demain soir à 20h30 à la Salle d'Animation de Roche pour poursuivre de vive voix ce débat si essentiel à l'avenir de l'agriculture dans notre commune.